D’indispensables efforts budgétaires

D’indispensables efforts budgétaires

Du 12 au 22 mai, le FMI a mené une mission en France et a délivré une série de préconisations. Pour les économistes de l’organisation internationale, l’économie française a fait preuve de résilience en dépit d’une forte incertitude. Le processus de désinflation est bien engagé et le marché du travail reste robuste. Les finances publiques constituent évidemment un sujet d’inquiétude. L’engagement des autorités françaises à ramener le déficit en-dessous de 3% du PIB d’ici à 2029 doit être, selon le FMI, étayé par « un ensemble de mesures bien définies et crédibles ». L’agenda de réformes structurelles de la France pour stimuler la productivité et faciliter la consolidation des finances publiques doit être précisé.

Des perspectives de croissance faibles

Pour le FMI, la croissance en France devrait être de 0,6% en 2025 et atteindre 1% en 2026. La reprise tardive de la croissance est imputable au faible niveau de confiance et à la consolidation budgétaire en cours, même si l’assouplissement de la politique monétaire apporte un regain d’activité. L’affaiblissement de la demande extérieure, dans un contexte de tensions commerciales, de volatilité des marchés et d’incertitude géoéconomique, pénalise les exportations et les perspectives d’investissement.

À moyen terme, la croissance devrait s’élever autour de 1,2% environ, avant de décélérer vers son potentiel à long terme de 1%, reflétant les tendances démographiques et la nécessité de poursuivre les réformes structurelles.

Le processus de désinflation se poursuit, avec une inflation prévue à 1,2% en 2025 (en raison d’effets de base et de la baisse des prix de l’énergie), et une inflation sous-jacente prévue à 1,9%.

L’évolution de la croissance en France dépend de facteurs extérieurs comme l’aggravation de la fragmentation géoéconomique et la montée des tensions commerciales.

Des facteurs intérieurs pourraient également avoir des incidences sur la croissance. Les incertitudes politiques et les tensions sociales pourraient retarder les efforts de consolidation budgétaire et de réformes. La consommation pourrait se redresser si le taux d’épargne des ménages diminuait plus rapidement sous l’effet d’une dissipation des incertitudes.

L’investissement des entreprises et les performances des exportations pourraient également surprendre positivement, sous l’effet d’une augmentation de la demande, en France et dans le reste de l’Europe, aidé en cela par l’augmentation de l’effort de défense. Une plus grande coordination des politiques économiques au sein de l’Union européenne pourrait également avoir des effets bénéfiques pour la France.

Un assainissement budgétaire à confirmer

Le respect de l’engagement d’un déficit inférieur à 3% du PIB suppose l’adoption de mesures concrètes. Dans un scénario à politique inchangée des services du FMI, qui n’intègrerait que des mesures adoptées et clairement documentées, le déficit devrait diminuer à 5,4 % du PIB en 2025, conformément à l’objectif budgétaire du Gouvernement. Néanmoins, sans l’adoption de mesures additionnelles significatives, le déficit resterait autour de 6 % du PIB à moyen terme et la dette publique continuerait d’augmenter jusqu’en 2030.

Bien que les risques à court terme restent maîtrisables, la dynamique de la dette s’est significativement dégradée à la suite des dérapages budgétaires successifs de 2023 et 2024, et reste très sensible à la trajectoire des taux d’intérêt réels et de la croissance.

Croissance et dépenses publiques
Croissance et dépenses publiques

Les services du FMI préconisent un ajustement structurel important de 1,1 % du PIB en 2026, suivi d’environ 0,9 % du PIB par an en moyenne à moyen terme. Le respect de cette trajectoire permettrait à la France de sortir de la procédure de déficit excessif d’ici fin 2029. En suivant les préconisations du FMI, une stabilisation de la dette serait possible dès 2027.

Le FMI souligne que les pouvoirs publics devraient privilégier les actions sur les dépenses compte tenu du niveau élevé du taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB. Toute mesure fiscale pourrait miner un peu plus la confiance des ménages et des chefs d’entreprise. À cette fin, les autorités devraient en priorité rationaliser les dépenses publiques et en renforcer l’efficience, au moyen d’une action concertée à tous les niveaux d’administrations publiques : État, administrations de sécurité sociale, collectivités territoriales.

Le ratio de dépenses publiques par rapport au PIB le plus élevé au sein de l’Union européenne.

La France affiche le ratio de dépenses publiques par rapport au PIB le plus élevé au sein de l’Union européenne. La rationalisation des dépenses pour le FMI par une simplification des différents niveaux administratifs. Pour l’organisation internationale, des marges sont possibles pour améliorer le ciblage des prestations sociales, en examinant, en particulier, l’éligibilité et la durée d’indemnisation des prestations d’assurance chômage.

Le FMI juge nécessaire l’harmonisation des régimes de retraite, en veillant à l’équilibre du système dans la continuité de la réforme de 2023. Ce dernier réclame un renforcement du pilotage et de la coordination budgétaires entre l’État et les collectivités territoriales.

Le FMI considère que la France doit prendre des mesures pour stimuler la productivité tant pour améliorer les revenus et la situation des finances publiques. L’écart de revenu par habitant entre la France et les États-Unis a augmenté depuis le début des années 2000 et dépasse aujourd’hui 20 %, principalement en raison d’une productivité et d’un emploi plus bas en France. Une augmentation de 0,3 point de pourcentage de la croissance potentielle du PIB pourrait contribuer à réduire la dette publique de près de 10 % du PIB à long terme.

Des mesures en faveur de l’emploi et de la productivité

Le FMI préconise la réduction des barrières réglementaires à l’entrée et la baisse de la charge administrative. Le projet de loi de simplification de la vie économique, actuellement en discussion, constituerait une étape importante pour réduire davantage la charge réglementaire et rationaliser les normes, en particulier pour les Petites et Moyennes Entreprises (PME).

Des efforts pour promouvoir l’emploi et la qualité du travail restent essentiels pour faciliter les transitions verte et numérique en cours dans un contexte de vieillissement de la main-d’œuvre, et stimuler la croissance de la productivité. Bien que les taux d’emploi aient augmenté, ils restent faibles dans certaines catégories de la population par rapport à d’autres pays. De nouvelles mesures pourraient être envisagées dans différents domaines, et notamment de nouvelles réformes des prestations sociales afin de renforcer les incitations à travailler et réduire la fragmentation des carrières, en particulier chez les jeunes et les personnes âgées. Le taux d’activité devrait être relevé notamment pour les femmes. Des mesures visant à améliorer les compétences des salariés et à promouvoir le vieillissement en bonne santé contribueraient également à la qualité de l’emploi.

S’adapter à un paysage financier complexe

Le secteur bancaire a bien résisté aux récents chocs, soutenu par des normes de prêt prudentes et de solides coussins de précaution. Bien que la rentabilité reste inférieure à la moyenne européenne, les banques présentent des positions correctes en termes de solvabilité et de liquidité. Les risques pour le secteur bancaire liés à l’endettement des entreprises et aux expositions souveraines, restent aussi maîtrisables. Les liens entre le système bancaire, les compagnies d’assurances, et les marchés de financement nationaux justifient une surveillance continue et étroite. Les fonds d’investissement possèdent, en moyenne, en France, suffisamment de liquidités pour résister à de grands chocs de remboursement.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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